New York : Des caissiers remplacés par des Philippins qui bossent depuis leur pays pour 3,75 $ de l’heure

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Client utilisant un caissier automatique

Imagine la scène : Tu es dans un resto à Manhattan, disons chez Sansan Chicken. Tu commandes ton poulet frit en parlant à une tablette qui est posée sur le comptoir de l’établissement. Sur l’écran, un visage souriant te répond en direct. L’employée prend ta commande et encaisse ton paiement par carte bancaire… sauf qu’elle n’est pas à New York. Elle est aux Philippines. À 13000 km de là ! Et elle ne gagne que 3,75 $ de l’heure. Oui, tu as bien lu : 3,75 dollars de l’heure !

Pendant que pour ton repas du midi tu dégustes du poulet à Manhattan, la personne qui vient de prendre ta commande travaille de nuit depuis Manille à cause des 12 heures de décalage horaire. Et le comble de l’ignominie c’est que ce système te demande quand même de laisser un pourboire pouvant atteindre jusqu’à 18% sur ta note finale.

Alors peut-être que tu te dis qu’il s’agit d’une fiction tirée d’un univers dystopique ? Mais il se trouve que c’est malheureusement déjà une triste réalité parce que des entreprises comme Happy Cashier ou CloudStaffs placent des caissiers philippins dans plusieurs restaurants new-yorkais via une simple tablette et une connexion Zoom.

Pourquoi en arrive-t-on à ce scandale ? Parce qu’à New York un caissier coûte environ 20 dollars de l’heure plus les cotisations sociales. Parce que les loyers explosent et que beaucoup de petits restos sont au bord de la faillite. Alors certains ont trouvé la parade qui consiste à embaucher à l’autre bout du monde pour diviser les coûts salariaux des caissiers par cinq et rester ouverts. Et du côté des Philippines c’est vu comme une opportunité car 3,75 dollars de l’heure cela reste supérieur au salaire local moyen.

Réception avec visioconférence et décorations technologiques

On avait déjà parlé d’un cas similaire sur NovaFuture avec des robots au Japon qui sont pilotés à distance par des travailleurs philippins sous-payés pour 2 à 3 dollars de l’heure. A ce moment là, on pensait sincèrement avoir touché le fond et que c’était un cas isolé. Mais en fait, on vient de découvrir cette autre version toute aussi dégueulasse où même le robot physique a disparu. Du coup, on a plutôt l’impression que c’est une aberration qui prend vite de l’ampleur.

Mais le pire c’est que cette histoire ne fait que commencer ! Et ce qui est présenté comme une « solution innovante » pour sauver des restos pourrait bien n’être que l’avant-dernière étape avant quelque chose de bien plus radical. Alors prend bien le temps de lire cet article parce qu’il est fort possible que tu ne te rendes pas encore compte de ce qui nous attend dans un futur très proche.

Ce que cette délocalisation virtuelle révèle sur le capitalisme moderne

C’est dégueulasse, c’est inhumain… Ça, on peut le dire sans hésiter. Mais ce n’est pas tout parce que cette situation révèle une fois de plus quelque chose de plus profond : Le capitalisme débridé est autophage. C’est-à-dire qu’il se dévore lui-même.

Explications : Si les emplois locaux disparaissent parce qu’ils sont tous délocalisés à l’autre bout du monde… qui aura encore de l’argent pour venir manger au restaurant ? Parce qu’à New York un caissier qui gagne 20 dollars de l’heure c’est aussi un consommateur. Quelqu’un qui dépense localement, qui fait tourner l’économie du quartier et qui paye son loyer. En le remplaçant par un travailleur invisible aux Philippines on détruit tout ce cycle économique local. Et le caissier licencié n’a plus que ses yeux pour pleurer et des bons alimentaires pour nourrir sa famille.

C’est donc l’histoire du serpent qui se mord la queue. Les restos pensent augmenter leur marge à court terme, mais dans le même temps ils contribuent à assécher le pouvoir d’achat local. Et donc à réduire leur propre clientèle. Et pendant ce temps, aux Philippines, on exploite des travailleurs qui bossent de nuit avec un décalage horaire de 12 heures pour un salaire de misère selon les standards occidentaux. Du coup, tout le monde est perdant. Sauf les actionnaires qui grattent quelques points de marge. Ce qui est typique du capitalisme débridé qui génère une perpétuelle course vers le bas où tout le monde finit dans la misère… Sauf une petite poignée de soi-disant gagnants qui optimisent leurs profits en créant des drames humains sans aucun état d’âme.

Quelles technologies manquent encore pour que l’on trouve des robots caissiers partout ?

Revenons à notre caissier philippin sur Zoom. Un analyste a posé la question qui dérange : « Si quelqu’un peut déjà encaisser depuis l’autre bout du monde… combien de temps avant qu’un robot piloté par IA fasse le job à sa place ? ». Et là, tout bascule ! Parce que techniquement parlant, on en est très proche.

Mais oublie l’idée du robot humanoïde ultra-sophistiqué qui marche, qui court, qui saute, qui fait du kung-fu… On n’en a pas besoin pour un caissier. Le cahier des charges est donc beaucoup plus simple : Un robot assis (pas besoin de gérer la marche bipède, le truc le plus complexe et le plus coûteux), des mouvements fluides du tronc et des bras pour bouger naturellement, un visage expressif ultra-réaliste qui est capable de communiquer de l’émotion et une IA conversationnelle performante qui est capable de discuter, rassurer et plaisanter.

Alors, où en est-on techniquement ? Les mouvements fluides, c’est déjà au point. Regarde les démos de Figure 02, Apollo de Mercedes, ou les robots chinois comme Unitree G1 : Ça bouge de manière naturelle et convaincante. L’IA conversationnelle ? Totalement opérationnel. GPT-5, Claude et consorts peuvent déjà tenir une conversation fluide, naturelle, empathique, avec des nuances émotionnelles. Quant au visage expressif réaliste on en est très proche : Ameca (Engineered Arts) fait déjà des micro-expressions bluffantes, les masques en silicone photo-réalistes existent et on progresse à vitesse grand V sur ce front.

Trois robots humanoïdes Ameca en pose réfléchie.

Et le coût ? En chute libre ! Des robots chinois expérimentaux produits artisanalement coûtent dans les 10 000 dollars. En production de masse d’ici 3 à 5 ans, on peut tabler sur 20 000 dollars pour des versions professionnelles au top du top. Et 20 000 dollars c’est quoi face à un caissier new-yorkais qui coûte 40 000 dollars par an plus les cotisations ? Un retour sur investissement en six mois ! Donc tout le monde va sauter dessus pour gagner de la marge parce que les chiffres parlent d’eux-mêmes.

Mais ça ne s’arrête pas là ! Parce qu’un robot caissier performant ne sera pas juste une machine qui encaisse. Ce sera un super-caissier doté de capacités qu’aucun humain ne peut égaler. Reconnaissance faciale instantanée pour te saluer par ton prénom dès que tu entres dans un commerce. Par exemple : « Bonjour Emmanuel ! Content de vous revoir. Le poulet épicé au gingembre comme d’habitude ? » Tout ceci avec une mémoire d’éléphant qui se souvient de toutes tes préférences, de tes allergies… Bref, de toutes tes habitudes. Avec en plus une manipulation émotionnelle très subtile qui se composera d’un timbre de voix parfait, d’un sourire chaleureux et d’une empathie calculée au millimètre près. Le robot ne sera jamais fatigué, jamais de mauvaise humeur, jamais désagréable et jamais pressé.

Et tu sais ce qui va se passer ? Les gens finiront par préférer le robot. Parce qu’il sera plus patient, plus souriant et plus attentif qu’un humain. Parce qu’il ne te jugera jamais. Parce qu’il sera toujours sympa, même à 3 heures du matin un samedi soir quand tu seras un peu bourré et que tu commanderas n’importe quoi. De ce fait, cela va créer de l’attachement à des machines et les gens défendront les robots. Genre : « Ah non, moi je préfère le robot parce qu’il est trop gentil avec moi ! »

Et la sécurité, alors ? Tu te dis peut-être : « Ouais, mais si c’est un robot à la caisse je peux me barrer sans payer et c’est fini. » Sauf que la solution existe déjà et qu’elle est très simple à mettre en place. À l’entrée du resto, tu scannes ta carte bancaire ou un badge RFID et tu es « enregistré » dans le système. À la sortie, si le paiement s’est bien passé la porte s’ouvre automatiquement. Et s’il y a un problème la porte reste bloquée et une alerte se déclenche. Le robot contacte alors un humain en remote (ironie de l’histoire : peut-être un Philippin) ou directement la police.

Donc au final, aucune science-fiction parce que cette technologie existe déjà. Amazon Go la teste depuis des années. C’est mature, c’est fiable et c’est déployable partout à moindre coût. Résultat : le robot n’est pas juste un caissier, il est aussi le vigile. Deux jobs en un. Et tout ça, sans gestion de ressources humaines et sans syndicats à affronter. Bref, on nage en plein paradis capitaliste. Ce n’est donc pas pour rien si tous les milliardaires libertariens sont déjà à fond sur cette technologie. Quitte à scier la branche sur laquelle ils sont assis. Ce qui est le signe qu’ils ne sont sûrement pas les génies qu’ils prétendent être.

De la délocalisation à l’automatisation totale de l’accueil et de l’encaissement, l’étape finale approche à grands pas

Alors, quand est-ce que ça arrive ? Dans 2 à 3 ans pour les premiers véritables déploiements. Et dans 5 à 7 ans pour une adoption massive. Parce que tout est déjà là, ou presque. Il ne manque plus qu’un peu de fiabilité supplémentaire (on est à 85-90 % selon les usages et il faut atteindre 98-99% pour un usage professionnel), une production de masse en série pour faire chuter les coûts et une acceptation sociale qui viendra vite parce que les gens préféreront un robot sympa à une tablette froide ou à un cassier humain à l’humeur inégale.

Et pendant ce temps que font réellement les caissiers philippins qui bossent via Zoom ? Eh bien ils entraînent l’IA à leur insu. Chaque commande prise, chaque problème résolu, chaque interaction client : tout est soigneusement enregistré, analysé et digéré par l’IA. Parce que malgré eux, ils fournissent de précieuses données qui permettront à la machine de les remplacer. C’est le schéma industriel moderne classique, celui qu’on a vu des milliers de fois… j’ai eu l’occasion de bosser en Chine et je sais exactement de quoi je parle.

D’abord, on embauche des humains en leur disant « Vous êtes précieux, on a besoin de vous. » Ensuite, on collecte leurs données, on analyse chaque geste, chaque décision… pendant ce temps là, l’IA apprend en silence. Parfois, dans le meilleur des cas, on prévient l’humain avant pour mieux l’enfumer : « L’IA va t’assister, tu vas bosser ensuite en coopération avec elle. C’est pour soulager la pénibilité de ton travail. » Parfois on ne dit rien du tout. Puis, dès que l’IA atteint 98% de fiabilité on vire l’humain. « Désolé, on n’a plus besoin de toi. Tu es devenu obsolète. » Le modèle se généralise alors à toute l’industrie concernée. Du coup, les travailleurs cherchent ailleurs… mais « ailleurs » a déjà automatisé aussi. Alors c’est la fin de la partie. Le travailleur a tout perdu et on ne lui propose aucune alternative.

En attendant, les caissiers philippins pensent avoir trouvé un job stable. Alors qu’en réalité ils forment leurs propres remplaçants. Et quand l’IA sera prête, ils seront virés du jour au lendemain. Comme les millions d’autres travailleurs dans les call centers, le support client, la traduction et tous les métiers de service. Mais aussi ceux des cols blancs : médecin, avocat, comptable, pharmacien… Et cette fois, contrairement aux autres révolutions technologiques du siècle dernier, il n’y aura nulle part où se reconvertir parce que ce schéma se répète partout en même temps.

Et durant ce temps où tout se met en place en sous-marin, on nous raconte la fable : « Oui, mais ça va créer des millions d’emplois qualifiés et bien payés ! » Alors que c’est faux. Archi faux même ! Parce que les robots qui vont remplacer les caissiers, est-ce qu’ils seront fabriqués par d’autres robots ou bien par des caissiers ? Et l’IA qui remplacera les développeurs ? A quel niveau elle aura encore besoin d’humains ? Donc on ne remplace pas 10 millions d’emplois peu qualifiés par 10 millions d’emplois d’ingénieurs. C’est une illusion, un mensonge que l’on se raconte pour ne pas affronter la réalité qui est que l’on devient obsolète face à l’efficacité des machines. Ce n’est pas nouveau. C’est arrivé avec les machines à vapeur, avec le travail à la chaîne, avec l’informatique et avec internet. En revanche, la grande nouveauté c’est à l’échelle et à la vitesse à laquelle ça se produit. Sans oublier que pour la première fois dans l’histoire de l’humanité c’est aussi le travail intellectuel qui est en train d’être automatisé.

Du coup, on devient quoi dans tout ça ? Il y a vraiment de quoi se faire du souci parce que strictement rien n’est prévu au niveau politique pour gérer efficacement cette grosse mutation technologique qui s’avère inévitable. Aucun parti, aucun bord politique n’anticipe vraiment ce qui arrive. On parle vaguement de « transition », de « formation »… mais personne ne pose les vraies questions. Du genre : Comment on redistribue les gains de productivité ? Comment on garantit un revenu à ceux qui n’ont plus d’emploi ? Comment on évite l’explosion sociale ? Bref, les politiciens sont tous largués. Et quand on voit que dans certains grands pays les dirigeants ont dépassé les 75 ans et qu’ils ne comprennent rien à la technologie et à ses enjeux… Oui, il y a doublement de quoi s’inquiéter.

Alors plutôt que de chercher dès maintenant des solutions pour que cette technologie permette d’aller vers une société où l’on a du temps pour s’épanouir et où tout est fait dans ce sens, on va aller vers une explosion de la demande de bons alimentaires et vers du populisme qui va grimper en flèche en traitant les gens qui ont perdu leur emploi de « losers » et « d’inutiles à la société ». Et en retour, il est plus qu’évident qu’un mouvement anti-technologie très violent va se manifester à grande échelle. Donc oui, ça va forcément être violent ! Tout simplement parce que le capitalisme est violent par nature et que la violence engendre la violence. Tu en doutes encore ? Virer un employé juste en lui envoyant un texto ou un email, c’est super violent ! Saccager l’environnement juste pour engranger des profits financiers, c’est violent ! Considérer les êtres vivants comme de vulgaires produits, c’est violent ! Et je vais m’arrêter là parce que si je dois mentionner tout ce qu’il y a de violent dans le capitalisme il va te falloir au moins deux jours de lecture pour aller jusqu’au bout de cet article.

Techno-catastrophe ou techno-émancipation ? À nous de choisir

Soyons très clairs : Sur NovaFuture on n’est pas contre la technologie. Un robot qui encaisse à la place d’un humain ? Pourquoi pas… Parce que personne ne rêve de passer sa vie derrière une caisse enregistreuse. Donc le problème ce n’est pas le robot, ni l’IA. Le gros problème c’est comment on gère ça intelligemment.

Deux scénarios sont possibles. Le premier, c’est le scénario actuel du capitalisme débridé : On vire les caissiers locaux, on exploite des philippins le temps de former l’IA, on les vire dès que la machine est prête, on ne redistribue rien et on assiste à une explosion du chômage, à une montée du populisme, à de la colère sociale et à de la violence. Le second, c’est le scénario alternatif dont on ne nous donne pas l’opportunité de décider collectivement : On automatise les tâches pénibles, on partage les gains de productivité (revenu universel, semaine de 3 jours ou moins…), on accompagne les reconversions avec dignité et on libère du temps pour créer, apprendre, ou tout simplement profiter de la vie.

La techno peut tout faire. Mais tout dépend de qui la contrôle et dans quel but. Pour l’instant, elle est uniquement dans les mains des milliardaires de la tech. C’est ça le vrai scandale ! Pas le robot, ni l’IA. Alors chez NovaFuture on ne milite pas pour le retour à l’âge des cavernes. On croit plutôt à un futur où la techno sert l’humain et non l’inverse. Un futur où l’automatisation n’est plus une menace mais une libération. Mais pour arriver à ce résultat, il faut une véritable évolution politique et économique. Une évolution où le bien-être des humains et de leur environnement sont au centre des prises de décision. Et l’enjeu est suffisamment important, pour nous, pour nos enfants, pour nos familles… pour que ça vaille vraiment le coup de s’engager pleinement pour que l’on obtienne un futur où il fait bon vivre tous ensemble. De notre coté, c’est ce que nous faisons avec NovaFuture en prouvant par des exemples concrets qu’un autre monde est possible. Un monde basé sur le partage et non sur la compétition permanente entre individus. Et toi, tu en penses quoi ? On en discute en commentaires ?

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